"A
bien étudier la mode (et croyez moi , le sujet en vaut la peine), il
est facile de reconnaitre que depuis quelques saisons, l'esprit même de
l’élégance a changé. Il fut un temps, et ce temps n'est pas très
éloigné, ou la simplicité, l’extrême, la savante simplicité nous
semblait le fin du fin de l'élégance vestimentaire, ou toutes les femmes
voulaient porter la même petite robe droite, qu'un léger col, une
minuscule découpe enjolivaient avec une idéale discrétion. Une toilette
devait être un tout, harmonieux et net ; on ne pouvait discerner la
perfection qu'au second abord, et les tenues du soir ne différaient
guère des tenues de jour que par le tissus.
Imperceptiblement,
à petits pas, nous avons changé tout cela. Les robes du soir se sont
allongées, puis féminisées, puis la couleur est apparue sur nos costumes
de jour. (Eh oui : il n'y a pas si longtemps, nous étions toutes vêtues
de noir et de brun, mais vous en souvenez vous encore ? On oublie si
vite et si complètement ses vieilles amours :)
Enfin,
avec le gout des réminiscences, les recherches de forme et de détail se
sont accentuées, nous ont amusées, nous ont conquises. Et voici que la
mode est devenue ce qu'elle est aujourd’hui : piaffante, personnelle,
originale,un tantinet excentrique parfois... et nous l'acceptions très
bien ainsi ; nous ne chantons plus exclusivement la "divine simplicité".
Nous nous amusons des manches à gigot, des revers drapées et
tourmentés, des chapeaux perchés ou penchés sur l'oreille. Si bien que
les couturiers, encouragés par nous, donnant libre cours à leur
fantaisie, ont rivalisé d’originalité ; chacun a voulu avoir une mode
bien à lui, tellement à lui que nous autres, pauvres journalistes,
partagées entre trois ou quatre vérités contradictoires, nous ne savons
plus à quel saint nous vouer !"
Extrait de l'éditorial signé Martine Régnier - Fémina d'octobre 1932
"La
cape du soir s'allonge pour l'hiver. Une cape charmante dans son allure
à la fois nouvelle et vieillotte et que Lucien Lelong a voulue en
velours brun. Le mouvement carré de l'épaule, la ligne régulièrement du
vêtement, les amorces de manches formant une large cocarde d'hermine*
sont habilement combinés. Le col de fourrure ferme sur le coté suivant
une tendance générale de cet hiver"
Photographie O'Doyé - Fémina octobre 1932
"Les
garnitures de velours sont légion, cette année, et les grandes Courses
de juin nous avaient laissé entrevoir le retour des grosses ruches en ce
tissu. Celle ci, que Worth fait en saphir sur une robe turquoise, est
plus importante en arrière qu'en avant, ce qui permet de la lacer assez
bas dans le dos. Le drapé de la robe est très recherché"
Photographie O'Doyé - Fémina octobre 1932
Jean
Patou a brusquement décidé de placer la ceinture sur les hanches, et
l’inspiration de cette robe est nettement indiquée par son nom de
Clémence Isaure.Elle est en crêpe romain noir et le drapé du décolleté,
légèrement froncé, couvre l'épaule. L'ampleur des donnée par des plis
détachés assez bas. Une boucle de strass éclaire la ceinture. Jean
Patou revient au noir, cet hiver, mais il montre également un gout très
vif pour le brun des bures du moyen age et pour un certain beige rosé
très clair qui est d'une grande délicatesse"
Illustration signée Wecla - Fémina octobre 1932
"Voici
quelques effets, de taille allongée, qui sont discrets et simplement
indiqués, seront ils accentués, la saison prochaine ? Ceci est le secret
de demain.
(De
gauche à droite) C'est ainsi que Worth a fait une robe dont le haut en
satin gris descend assez bas en avant sur la jupe de satin noir. La
double épaulette noire et grise est un intéressant détail. Dans le dos,
le corsage de satin gris s’arrête à la taille et se termine par un nœud.
L'ampleur de la jupe est donnée par un large panneau à godets, incrusté
d'un seul coté."
"Au
centre, la robe en romain de Lucien Lelong est garnie d'une très haute
bande de velours vert, qui s'apparente vraiment au costume médiéval. Une
petite cape écharpe bordée d'hermine* l'accompagne."
"A
coté, sur une robe d'Augustabernard en velours batheera, l'effet de
ceinture aux hanches est résolument indiqué en arrière, au moyen d'un
drapé, tandis que ce dernier se termine en avant par une nœud à longs
pans. La jupe forme en arrière une assez longue traine.
"Augustabernard a drapé très bas cette robe en velours mat bleu, agrémenté de deux manches en velours fuchsia"
"A
coté, , un essai de Schiaparelli, qui surprend au milieu de sa
collection Directoire: il s'agit d'une robe en velours chenille, drapée
plus bas que la taille dans un mouvement "gothique" intéressant"
Fémina octobre 1932
"Il
n'est pas une collection de grand couturier qui n'ait quelques robes en
velours paysan. Celle ci est particulièrement charmante de par sa
simplicité recherchée. Elle est en velours marron très foncé, et les
petites manches ballon en hermine* ajoutent à sa grance jeune.
L'encolure est fermée an avant par une queue d'hermine"
Photographie Lipkitzki - Fémina octobre 1932
"La
ceinture est mise à sa place, chez un certain nombre de bons
couturiers. A vrai dire, cette ceinture elle même prend quelquefois une
forme imprévue, s’élargit en arrière pour arriver toute mince en avant,
ou bien reste haute en avant pour rétrécir dans le dos. En tous cas, la
taille à sa place n’empêche pas les effets harmonieux. Vous vous en
rendrez compte, en admirant cette belle robe de Jeanne Lanvin, dont al
mousseline de soie rose est froncée à l'empiècement des hanches, ainsi
qu'autour du décolleté. Le mouvement très nouveau du corsage est d'une
élégance difficile et rare"
Illustration signé Wecla - Fémina octobre 1932
"A
gauche, ensemble de velours noir garni de renard, et à droite, costume
en lainage français vert, dont le col et les poignets sont en grosse
bouclette imitant l'astrakan. Le haut de la robe est en tricot rayé
rouge, vert et blanc. Petite toque en bouclette"
"Ce
costume de Molyneux est en djersa noir et il se compose d'une petite
robe et d'une cape garnie d'astrakan* noir. Cette cape, comme la robe,
germe hermétiquement à l’encolure. Le manchon en astrakan* noir et le
grand mouchoir de mousseline noire est incrusté de larges étoiles
jaunes"
"Robe
en lainage Rodier gris beige, sur laquelle on pose un petit boléro sans
manches de Breitschwanz* noir. Ce boléro très écourté en avant, a dans
le dos un mouvement de cape d'une ligne tout à fait originale. La
ceinture assez haute est en cuir verni noir à boucle d'argent"
Fémina octobre 1932
"On
a beaucoup aimé, cette année, le nouvel aspect des crêpes à très gros
relief qui sont presque tous en soie artificielle. Celui ci est blanc et
se drape agréablement aux manches bouffantes et au décolleté. Des
tangrées de fronces sur les hanches donnent l'ampleur à la jupe, qui est
légèrement plus courte en avant. Chanel"
Photographie Lipnitzki - Fémina octobre 1932
"Mainbocher
et Schiaparelli sont les artisans résolus de la taille haute, mais avec
des interprétations nettement différentes. Schiaparelli conservant le
corsage assez plat, élargit plutôt la lige des épaules, tandis que
Mainbocher drape le haut de la robe, l'orne souvent d'une écharpe, qui
se drape ou croise en avant. Sur cette belle robe de satin noir,
l'écharpe couvre les bras et se jette en arrière ; d'autres fois, elle
se déroule pour laisser voir le décolleté en forme un pan très long dans
le dos. Un nœud de velours turquoise à la ceinture"
Illustration signé Wecla - Fémina octobre 1932
"Robe
du soir nettement empire en satin blanc imprimé de feuilles noires et
de petits bouquets multicolores, une grosse ruche en même tissus borde
le bas de la jupe et remonte assez haut en arrière : la taille est
courte est ajustée, la jupe très longue . Par Lucy Paray
"Une robe en Flamisol mauve, garnie dans le dos de deux longs pans en velours paysan bordeaux. Jeanne Régny
"Robe de crêpe noir drapée et garnie de fleurs - Nina Gelda
: un ensemble du soir en velours noir : le corsage formant cape est fermé au col par une agrafe de diamants - Nina Gelda"
Fémina octobre 1932
"Une
robe du soir de jeune fille en crêpe Midas blanc. Les petites manches
ballon et l'encolure sont garnies de violettes blanches. Une bande
gaufrée dans le bas.Fairyland
"Une
robe en Cotlap noir sur laquelle est posé un gilet de piqué blanc, que
traversent des bretelles en vernis rouge - Marcel Rochas
"Un
costume composé d'une jupe en lainage rayé bleu et marron, d'une veste
en Djersa marron et d'une blouse en tricot gaufré bleu jacinthe
Schiaparelli
"Une robe en soie façonnée blanche, garnie d'un grand revers souple. La ceinture est en ruban de velours havane - Mainbocher
'Un
petit costume de deux tons très opposés : la est en Djersa vert vif, la
veste et les garnitures en Djersa marron très foncé. Blouse en voile de
laine blanc - Chantal
Fémina octobre 1932
"Et
voici une fois de plus, un merveilleux drapé de Madeline Vionnet. Elle a
placé sur une grande robe blanche, conçue avec le style admirable qui
est le sien, une écharpe de crêpe violet qui croise plusieurs fois,
forme deux ceintures et se termine de coté par deux très longs pas"
Photographie Lipnitzki - Fémina octobre 1932
Les teintes à la mode
Rouge, brun, vert un peu de violet et de capucin
"Le
rouge sera, cette année, extrêmement en faveur ainsi que Madeleine
Vionnet le laissait déjà pressentir dans sa collection d'entre-saison.
Elle a choisi pour ce beau manteau en Burafil de Rodier une souplesse
agréable et d'une tonalité harmonieuse. Le petit boléro d'astrakan
donnerait un effet de taille haute s'il n'était continué en quelque
sorte par une large couture drapée en satin noir qui amincit la taille
et la met à sa place. L'idée reste simple, mais elle est néanmoins d'une
habileté consommée.
Illustration de mode signée L Bénigni 1932 - Fémina octobre 1932
"A
gauche , un joli manteau en gros lainage noir de Meyer sur lequel une
garniture de loup* bleuté forme un effet de veste - Nicole Groult"
"Au centre, une petite robe en Madiana dont les revers sont rayés de blanc - Nicole Groult"
A droite une robe ravissante en tissus Meyer gris rayé en relief, et garnie d'une large écharpe en crêpe bleu - Nicole Groult"
Illustration signée Harambourg / Haramboure 1932 - Fémina octobre 1932
Une
idée imprévue est celle de manteau en Lavlya marron garni d'astrakan*
noir sui forme un col*écharpe. Au centre, une petite robe en Cyngalia
vert élargie aux épaules par un effet de cape régulière. Enfin , un
manteau de Spunelya rouge et astrakan* noir"
Modèle Cecile Welly - Tissus Meyer
Illustration signée Demachy - Fémina octobre 1932
"Worth
semble aimer beaucoup le vert, cette saison, ainsi que le prouve cette
charmante petite robe d'Angoreine vert vif. L'Angoreine est un nouveau
tissu dont le succès exceptionnel s'affirme chaque jour. A coté, sur le
manteau de Bachareine bleu, l'amusante surprise d'un gros nœud amarante
noué de coté. Le mélange de ces deux tons est à la fois imprévu et très
harmonieux"
Tissus Chatillon Mouly Roussel
Illustration signée L Benigni - Fémina octobre 1932
D'un
aspect très gai, les petites robes simples sont garnies de jersey
tricolore. Le costume de gauche en jersey marine est orné en avant d'un
panneau uni qui monte à a taille. L'ensemble de droite a des manches en
jersey noires resserrées au moyen de ganses arrêtées au coude."
Créations Mainbocher - Tissus Olbé
Illustration signée Harambourg (ou Haramboure) - Fémina octobre 1932
"La
loutre*, abandonnée pendant quelques années, reparait sur les manteaux
ou les ensembles d'après midi. C'est ainsi que cette petite veste que
l'on voit au centre, de forme amusante, s'allie fort bien au Djalap
marron dont est faite l arobe. A gauche, une petite robe en Djalap
bordeaux, à droite, une robe en Stryl vert, agréable tissu rayé en
relief."
Création Lucien Lelong - Tissus Rodier - L'illustration n'est pas signée - Fémina octobre 1932
"Et toujours des manteaux de velours pour le soir"
"les
tons chauds et raffinés du velours conviennent si parfaitement aux
manteaux du soie que nous ne voulons pas d'autres tissu pour les petits
vêtements garnis de fourrure. Celui ci ourlé de renard bleu, est à la
fois simple et très élégant"
Illustration signée Demachy - Création Revillon - Fémina octobre 1932
"Une
petite toque de Rose Descat est toujours dénuée de banalité. Celle ci
est de forme particulièrement heureuse et seyante. Le fond est en drap
noir et le bord d'astrakan* est "coquée avec art du coté droit. C'est
l’agréable petit chapeau habillé que l'on peut porter au thé, ou même à
l'heure du porto"
Illustration signée L Benigni 1932 - Fémina octobre 1932
"Melle
Marcele Denya porte une belle cape du soir de la nouvelle collection de
Jenny. Le haut est en hermine* et le grand volant de velours noir qui
la bord des doublé de blanc. Le volant, très allongé en arrière, forme
de nombreux godets"
Photographie Lipnitzki - Fémina octobre 1932
Cet
article est un hommage aux modes des années 30. Un moyen de partager
ma collection de revues anciennes avec d'autres passionné.e.s
Le but, clairement, n'est pas d'en tirer profit.
*
Ce blog ne cautionne en aucune façon l'utilisation de la fourrure
ou des plumes véritables , qui devrait être interdite au XXIeme siècle. Toutefois, il
est impossible de parler de la mode au XXeme siècle sans y faire
référence."